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Christel FERRIER : Championnat de France route à Lannilis: 4ème

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Christel FERRIER - Photo de Joël Raul, www.velopressecollection.fr

 C’est bien connu, tous les Championnats sont uniques, que ce soit le parcours, le déroulement de la course, les émotions…Tout peut être différent même si le résultat est le même. Ce Championnat me l’a encore confirmé.

J’ai voulu aborder ce Championnat de France avec le maximum de motivation et d’entraînement, tout avait été optimisé, jusqu’à mes boyaux qui avaient été fabriqués spécifiquement pour cette épreuve particulière. Le programme international de mon équipe m’avait permis de me préparer sur les plus grosses courses internationales, j’avais vu ma forme grimper au fil des étapes de l’Emakumeen Bira, et j’avais confirmé cela sur le Tour du Trentino en faisant la course à l’avant avec les plus grosses équipes étrangères. J’avais préparé la spécificité de ce circuit avec son ribine (sentier de terre) de 900m qui allait être important sur le déroulement de la course, mon vélo était chaussé de boyaux fabriqués spécialement pour avoir un compromis entre rendement sur goudron et diminuer le risque de crevaison. Rien n’était laissé au hasard. J’arrivais donc sur ce Championnat en pleine confiance. Mon vélo de course perdu par Air France puis retrouvé cassé en début de semaine ne m’a pas déstabilisé grâce à mon mécano préféré qui a su trouver les solutions pour me remonter un vélo à l’identique à 48h de la course.

Le couteau entre les dents je venais donc au départ avec la ferme intention de ramener un troisième titre de Championne de France à Béziers et par la même occasion remettre les pendules à l’heure au niveau de la hiérarchie française. Présente dans un team étranger et écartée de la sélection olympique 2012 à cause de ma ‘’nationalité’’ non Bretonne, j’avais bien remarqué que la lumière se tournait sur certaines coureuses qui préféraient courir sur des courses françaises plus petites mais mieux éclairées par les projecteurs locaux et qui se prétendaient avoir le pouvoir du cyclisme Français féminin avant d’avoir le palmarès qui le justifie. Rien de tel qu’une explication sur le vélo pour régler cela une fois pour toute.

Lors du début du troisième des six tours de circuit, une échappée royale de quatre filles se formait avec Pauline Ferrand-Prévot, Audrey Cordon, Aude Biannic et moi. Nous roulions à trois puisque Audrey avait une équipière (Jennifer Letué) échappée devant. Malgré cela nous creusons rapidement l’écart sur ce qu’il reste du peloton et reprenons l’échappée solitaire qui n’arrivait pas à prendre nos roues. Dans ma tête j’étais sereine, et contente, j’avais mon match d’explication tant désiré : moi avec les trois sélectionnées des Jeux, nous allions voir si j’avais eu raison de critiquer la sélection ou si effectivement si mon tour était passé et que le cyclisme Français était bien dominé par les jeunettes comme elles le prétendaient.
Mais c’est là que le scénario unique du Championnat s’est mis en place, quelque chose qui m’a semblait surréaliste: Audrey a refusé de rouler sous prétexte qu’elle avait des équipières derrière qu’elle voulait attendre! Elles étaient accompagnées de pures sprinteuses qui allaient nous mettre en charpie si nous devions les affronter dans le final, nous étions théoriquement les quatre plus fortes physiquement de ce Championnat, il n’y avait plus qu’à pédaler, creuser et s’expliquer à quatre en guerrière dans un match qui allait être magnifique et intense…Mais elle refusait le combat avec des prétextes indignes d’une leader d’équipe. De notre côté Pauline et moi, qui avions bien compris la situation, avons pris nos responsabilité et fournit de gros efforts pour faire vivre cette échappée, Aude qui semblait un poil plus juste faisait une plus petite partie du travail mais assurait tout de même le job. A l’arrière Edwige et Amélie sortaient pour venir nous chercher, Amélie en équipière d’Audrey refusait de rouler (on peut maintenant deviner la tactique judicieuse de leur équipe: si vous êtes devant vous ne rouler pas et si vous êtes derrière vous ne roulez pas). Du coup, 3 autres filles revenaient sur leur porte bagage avec notamment Elise Delzenne la future Championne de France qui a bien dû sourire en voyant la blague de course qui s’opérait et le tapis rouge que lui déroulait le Futuroscope.
A moins de deux tours de la fin, nous sommes 9 filles pour le titre, avec une sprinteuse redoutable qu’il faut débarquer. A l’entrée du dernier tour je mets le feu dans le ribin et sort en tête, je prends jusqu’à 5 secondes d’avance, mais derrière, les favorites se mettent à la planche pour ramener tout le monde plutôt que de sortir et recréer un petit groupe de costauds qui s’en va. Une fois reprise, je vois que certaines sont épuisées, mais les têtes de série qui ont encore des cartouches ne les tirent pas pour faire éclater le groupe dans la foulée de mon action. Petite récup à 25 km/h en attendant la suite. Nous sommes à l’autre bout du circuit loin des projecteurs et nous livrons un final de Championnat de France de petite envergure, heureusement qu’il n’y a pas la TV comme pour les hommes, bonjour la honte.
De pétards mouillés en mauvais contres nous arrivons dans les 5 derniers kilomètres, plusieurs attaques secouent le groupe sans le disloquer. Après le panneau des trois kilomètres Audrey se lève de la selle et place une violente attaque, un petit temps de latence, l’écart se creuse et je place mon attaque qui explose le groupe, tout le monde est à la rupture et plusieurs passent par la fenêtre, j’ai pris quelques mètres d’avance, je reviens sur Audrey, je passe à côté d’elle et lui demande de rouler, il faut tout livrer à deux et ensuite que la meilleure gagne, nous sommes à deux kilomètres de l’arrivée. Mais ses relais sont donnés avec demi-mesure, elle doit continuer à calculer que je suis potentiellement plus rapide, encore cette foutue peur de prendre des risques qui doit la paralyser…Nous sommes reprises et à la flamme rouge elle retente sa chance pour partir seule, là, Pauline et moi nous allons la chercher, le groupe se reforme aux 200m et Elise démarre pour aller chercher un titre mérité, Amélie 2ème récupère une superbe place amplement méritée aussi, après un travail d’équipière qui s’est sacrifiée pour sa leader et qui a su s’accrocher aux branches pour sauver un résultat. Aude 3ème récupère le maillot espoir après avoir bien géré sa course, un podium qu’il faut saluer. Et je fais 4ème, Audrey 5 et Pauline 6ème.

Au bilan de ce Championnat de France, je suis déçue du déroulement de la course. J’étais venue affronter des adversaires sur le vélo. J’ai pu voir que malgré mes 34 ans, j’étais présente le jour J avec ma tête et mes jambes. Alors oui je n’ai fait ‘’que’’ 4ème et je devrais me remettre en question; mais j’avoue en être incapable dans la mesure où c’est l’anti-jeux des adversaires qui n’a pas permis un déroulement normal de la course, à noter que ces mêmes adversaires ont perdu aussi; je ne peux donc pas les traiter de gagne petits, mais plutôt de perd-petits. C’est bien triste de terminer sur ce sentiment de ne pas avoir eu l’occasion de livrer ce match que j’attendais entre le trio des jeunes coureuses Françaises promises à un grand avenir selon la fédération et la coureuse expérimentée que je suis qui était soit disant finie pour pouvoir prétendre aller aux JO.
Je n’ai pas pu gagner le troisième titre de Championne de France qui aurait assis mon raisonnement, mais personnellement j’ai pu vérifier ce que je pensais : je fais largement le poids face aux petites jeunes, et dans le feu de l’action mes jambes ne tremblent pas.
Ce championnat de France sur route était peut-être le dernier avant une pause famille méritée, depuis 2007 où je me suis mise à la route je peux vous citer mes résultats : 4e, 2e, 1e, 4e, 1e, 4e, 4e. Une telle régularité dans le haut du classement me donne le droit de donner un conseil à la nouvelle génération: on ne gagne pas un titre de Championne de France sans se livrer à 100% à un moment donné. Bien sûr qu’il faut calculer et courir tactique, mais il faut aussi accepter de prendre des risques, ne pas avoir peur de perdre afin d’avoir le courage de gagner. Un maillot tricolore il faut savoir en être digne, dans la manière de le porter comme d’aller le chercher. Sur ces 7 derniers Championnats, j’ai terminé 5 fois dans la bonne échappée, J’ai affronté à chaque fois des filles qui avaient d’énormes qualités, souvent réputés meilleures que moi sur la puissance, les qualités de rouleuse ou de sprint, mais j’ai toujours cru en mes chances et j’ai toujours accepté le combat en ne visant que la victoire, c’est pour cela que j’ai autant de 4ème places, mais aussi deux maillots tricolores à la maison: la victoire sinon rien. Dans notre échappée royale, je n’en ai vu qu’une avoir cette même flamme, je lui souhaite bien du plaisir l’année prochaine pour trouver des compagnes d’échappée motivée.

Pour ma part, je tourne la page nationale la tête haute et je reste motivée pour aller sur le Giro d’Italie affronter les meilleures mondiales avec toujours ce même objectif d’aller au combat pour viser encore et toujours la victoire afin de rester fidèle à la devise de ma ville « Béziers l’esprit de conquête ».

Photo de Joël Raul, www.velopressecollection.fr 

 

Christel FERRIER

www.christel-ferrier-bruneau.com


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